Karbon’ est une coopérative bruxelloise qui réunit architectes et urbanistes autour de la volonté de développer une pratique engagée. Dans un contexte de nouveau régime climatique, ses membres collaborent à la définition d’une architecture raisonnée, ancrée dans son espace et son temps, qui donne un sens culturel à l’acte de la construction.
Conférer un sens culturel à l’acte de la construction implique un double engagement. Premièrement, travailler avec l’existant, le contexte, le déjà là. Cela signifie se positionner comme partie prenante d’une évolution du territoire dans le temps long, c’est-à-dire dans la continuité de ce qui existe et en prévision de ce qui existera. Se placer dans le temps long, c’est aborder l’architecture dans une dimension transcalaire, et chercher à comprendre la manière avec laquelle elle participe à l’identité du territoire et les questions urbaines qu’il sous-tend. Le travail de Karbon’ adopte à ce titre une posture d’entretien, de maintenance, qui considère l’existant comme un patrimoine, comme un socle culturel commun. Entretenir un patrimoine implique d’interroger les qualités et potentialités de bâtiments issus de différentes époques de la construction de la ville. Cette démarche est alimentée par un travail patient de reconnaissance et de description des ressources en présence —matérielles, spatiales, sociales et historiques— permettant d’envisager l’acte de construire par rapport au contexte social et physique dans le temps long, dans des traditions constructives, dans une préoccupation constante pour l’histoire du territoire, les techniques constructives, l’origine et l’intégrité des matériaux ainsi que la qualité des conditions de travail des constructeur·ice·s sur le chantier.
Cette approche fait de chaque projet l’opportunité de la production d’une connaissance spécifique qui, au fil du temps et des projets, a permis de construire une connaissance fine et articulée du territoire bruxellois. A l’échelle urbanistique, cela implique une description du territoire qui fonde et accompagne tout le processus de projet, afin de s’intégrer dans les rationalités des structures en place, de poursuivre, compléter et préparer la transformation continue de la ville.
Cette notion de maintenance induit le second engagement, celui d’une recherche constante de l’acte minimal. Cette notion n’est pas vue ici du point de vue esthétique mais du point de vue de la méthode compositionnelle, celle de la recherche du geste minimum pour passer de l’architectonique — l’assemblage des éléments constructifs — à l’architecture. Cette approche, nous l’appelons l’architecture de niveau 1, ce niveau de conception en équilibre fragile entre la construction et le geste esthétique.
Ce double engagement vise en réalité un travail de l’architecture qui aborde la durabilité dans le sens de la durée. Considérer la construction dans la durée, c’est la considérer comme un processus global, incluant les cycles de production, mise en œuvre, démontage et réutilisation, et en poursuivant une recherche continue sur les matériaux biosourcés. Cette considération dans la durée se comprend en tant que pratique, au sein de la coopérative, par notre approche collaborative et ouverte, et en tant que production, dans le soin apporté à la conception d’espaces appropriables de différentes manières, à différents moments et par différents types de publics.
Dans cette perspective, la question de l’entretien s’articule autour de celle de l’attachement aux objets, aux usages, et plus largement à l’attention portée aux formes d’accueil et d’empathie, qui, envisagées dans leur rapport à l’urbanité, traduisent une volont é constante d’inclusivité.